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Discours d’Harlem Désir – Rencontre du Comité Afrique de l’Internationale Socialiste Niamey (Niger) – 17 mars 2013

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Monsieur le ministre des Affaires étrangères, Monsieur le Président du Comité Afrique de l’Internationale Socialiste, Monsieur le Secrétaire Général de l’International Socialiste, Mesdames et Messieurs les Présidents et secrétaires généraux des partis-frères, Mesdames et Messieurs les délégués,

Chers amis, chers camarades du PNDS,

Merci de m’accueillir ici au Niger, pour la réunion du Comité Afrique. J’ai répondu avec enthousiasme à votre invitation parce que c’est un honneur d’être invité dans ce grand pays, et je veux commencer par saluer comme il se doit les citoyens du grand peuple nigérien. Mes amis, je veux saluer votre inlassable combat pour la démocratie, votre infatigable lutte pour le développement, votre soif de justice et de progrès, et saluer bien sûr votre Président notre camarade Mahamadou Issoufou à qui vous avez confié la mission de conduire le changement dans votre pays.

Permettez-moi d’avoir une pensée, dès le début de mon propos, pour les otages français qui ont été kidnappés il y a plus de 900 jours ici, au Niger, ainsi que pour nos soldats qui sont actuellement au front au Mali. Et je voudrais rendre un hommage particulier au caporal Alexandre Van Dooren, dont nous venons d’apprendre ce matin qu’il était mort au combat dans le Nord Mali. Cela nous rappelle, s’il en était besoin, que nous sommes confrontés à la même menace terroriste et que c’est ensemble que nous allons la vaincre !

Dans ces moments, plus encore que d’habitude, il est indispensable de cultiver et de renforcer nos liens d’amitié, tout particulièrement à l’heure où nos pays se battent côte à côte pour la démocratie au Mali.

Comme vous le savez, je reviens de Bamako, où je me trouvais avec une délégation du Parti socialiste et avec le Président du Comité Afrique, Ousmane Tanior Dieng. Nous y avons rencontré le Président de la République du Mali, Dioncounda Traoré, le Premier ministre, le président de l’Assemblée nationale et les responsables des principaux partis démocratiques en particulier nos camarades de l’Internationale Socialiste, Ibrahim Boubakar Keita du RPM et Ibrahima N’Diaye de l’ADEMA. J’ai tenu à me rendre au Mali pour apporter ma solidarité, et celle de tous les Socialistes français, au peuple malien, et je salue le courage et la dignité qui sont les siens dans l’épreuve qu’il traverse.

Notre réunion me permet de partager avec vous quelques réflexions.

Dans mon pays, certains se demandent pourquoi il fallait intervenir au Mali… Cela montre, comme beaucoup de mes amis ici me l’ont dit à Bamako, et ici à Niamey, que le Mali n’aurait peut être pas été sauvé si les Français avaient élu un autre président que François Hollande !

Et pourtant la réponse est claire. Si, grâce au courage de François Hollande, nous nous battons ensemble aujourd’hui, c’est pour que le Mali recouvre sa pleine intégrité bien sûr, c’est pour la liberté du peuple malien, pour la sécurité de toute la région et la sécurité internationale qui était menacées par les groupes terroristes, mais aussi pour l’entière réconciliation de la société civile. Ici au Niger, vous savez qu’on peut mêler le haoussa, le zarma et le songhaï, le peul, le touareg, le français et l’arabe dans une même communauté nationale, vous avez cette grande tradition ancestrale du cousinage à plaisanterie, qui est une façon de vivre ensemble dans la paix et la fraternité.

La réconciliation, et la démocratie, voilà de quoi le Mali a besoin, une véritable restauration de la démocratie. C’était mon message à nos camarades de Bamako : le soutien politique est l’indispensable relais du soutien militaire que la communauté internationale a apporté au Mali.

Le Mali a besoin de sécurité, tout comme le Mali a besoin de démocratie et de réconciliation, et la victoire contre les terroristes ne sera pas seulement une victoire militaire : ce ne sera une victoire complète que lorsque l’Etat de droit, les libertés, le pluralisme démocratique seront entièrement rétablis. Et face au défi de la démocratie, du développement, de la sécurité, de la laïcité, les socialistes doivent être unis dans chaque pays, sur le continent, et à l’échelle internationale. C’est le sens de cette réunion du comité Afrique.

En prenant la décision d’envoyer nos troupes au Mali, le Président de la République François Hollande a agi avec courage et respecté les valeurs fondamentales de la France mais aussi du socialisme internationaliste, et du droit international. Contre le droit du plus fort, nous avons opposé la force du droit : François Hollande a refusé de laisser à son sort un peuple ami, un peuple frère, victime d’une brutale agression qui mettait en danger la souveraineté, l’existence même de ce pays.

Cette intervention s’est déroulée dans le cadre de l’ONU qui doit maintenant prendre le relais sur le terrain, avec le soutien de la communauté internationale et de nos partenaires européens, et surtout aux côtés des forces africaines et en particulier du Niger ! Les contingents de l’Union africaine et de la CEDEAO sont aujourd’hui supérieurs aux troupes françaises présentes sur place ! Les Maliens le savent : nous leur apportons notre aide, notre soutien, notre solidarité mais nous n’avons ni la prétention ni la vocation de nous substituer aux peuples africains.

Au Mali, comme dans les discours qu’il a tenus à Dakar, à Alger, à Kinshasa, à Bamako, comme lorsqu’il a rencontré votre président Mamahadou Issoufou, François Hollande n’a pas seulement réaffirmé les liens puissants qui unissent la France et l’Afrique : il a aussi regardé l’Histoire en face et tourné définitivement la page de la Françafrique. Il a rompu avec le discours de son prédécesseur à Dakar en 2007, qui, de triste mémoire, avait été une blessure pour l’Afrique et une honte pour la France.

François Hollande a reconnu la barbarie qu’a été l’esclavage et le colonialisme, et que rien, jamais, ne pourra effacé. Ce n’est qu’en assumant notre histoire commune, aussi douloureuse soit-elle, que nous pourrons fonder un avenir commun.

François Hollande a aussi rompu avec le néo-colonialisme qui a trop souvent succédé à la décolonisation : le paternalisme indécent, les leçons de morale déplacées, l’affairisme des émissaires douteux.

La fraternité oui, le paternalisme, non. Voilà le sens de la relation entre la France et l’Afrique pour François Hollande.

Nous devons former une communauté de destins pour gagner ensemble dans la mondialisation

C’est une nouvelle page de notre histoire que nous devons écrire ensemble. Nous devons construire un partenariat puissant, étendu à l’ensemble du continent africain, et à l’ensemble de l’Union européenne, qui repose sur nos valeurs communes et sur l’alliance de nos intérêts entre peuples égaux, et respectueux les uns des autres.

Je suis venu à Niamey vous dire que nous sommes frères dans l’Histoire et alliés dans la mondialisation : c’est main dans la main que nous devons aujourd’hui marcher. C’est ensemble que nous devons affronter les immenses défis mondiaux qui sont devant nous.

Le défi d’abord d’une démocratie globale.

La démocratie est une condition du développement mais c’est aussi une exigence des peuples. Les événements de ces dernières années ont montré combien la démocratie était une aspiration grandissante, universelle, incontournable, dans les pays arabes bien sur, mais aussi en Afrique. Les peuples qui ont le courage de se dresser contre le joug de la dictature méritent notre plein soutien dans leur cheminement vers la démocratie.

Partout, oeuvrons côte à côte à l’émergence ou au renforcement de la démocratie, d’un Etat de droit qui garantisse l’exercice des libertés fondamentales, d’une gouvernance qui permette de lutter contre la corruption qui est un véritable fléau !  La corruption est comme le parasite sur l’arbre, lorsqu’elle se greffe sur le développement, elle en vole la sève et en assèche les ressources. Et elle se répand, ronge toutes les structures de la société, et mine la démocratie. La corruption, c’est le contraire de la démocratie.

Le défi de la démocratie, c’est aussi la défense des valeurs humanistes que nous partageons. Je voudrais évoquer l’égalité entre les femmes et les hommes, qui est particulièrement importante à mes yeux : que des femmes portent dans leur chair la violence et l’oppression, qu’elles soient tenues à l’écart du travail, de l’éducation, de la santé, de la participation démocratique, en Europe ou en Afrique, nous ne pouvons l’accepter.

Je le dis avec force : le sens de la solidarité internationale comme de l’universalisme, c’est d’être révolté quand une femme est fouettée dans les rues de Tombouctou comme si elle l’était dans les rues de Paris, quand une petite fille est interdite d’école ou quand une jeune femme est mariée de force.

C’est pourquoi la France accueillera le 20 mars prochain le premier Forum mondial des femmes francophones, qui portera en particulier sur les moyens de lutter contre les violences faites aux femmes dans l’espace francophone.

Le défi de la démocratie, c’est enfin le défi de la sécurité. Nous devons lutter ensemble contre les zones grises incontrôlées, terreau du terrorisme et des narcotrafics, qui savent si bien se nourrir l’un l’autre, nous battre contre tous les fondamentalismes, tous les intégrismes, tous les obscurantismes, qui, au nom d’une vision dévoyée de la religion, multiplient les exactions, les pillages, les meurtres, mettent les femmes, les hommes et les peuples sous leur joug insupportable !

Notre devoir est aussi d’anticiper le nouveau monde à naître pour qu’il soit plus durable, plus juste et plus solidaire.

Le défi ensuite de l’environnement

L’épuisement des ressources naturelles, le changement climatique, la mise en danger des écosystèmes nous imposent d’inventer et de mettre en œuvre un nouveau modèle de développement, soutenable et respectueux de l’environnement. Léopold Sédar Senghor disait : « Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants ».

Tout d’abord, la préservation de la biodiversité africaine est une exigence : elle est précieuse pour ce continent mais aussi pour le reste du monde puisqu’elle joue un rôle essentiel pour la stabilisation du climat mondial.

Les effets du changement climatique affectent la lutte contre la pauvreté et décuplent les inégalités. Ici, au Niger, il pleut 30 % de moins qu’il y a 10 ans, et quand il pleut, il pleut de manière plus ramassée. Cela fragilise encore les écosystèmes les plus vulnérables et aggrave l’insécurité alimentaire, et donc la mortalité infantile.

L’énergie est aussi un enjeu fondamental pour nous tous. Les besoins africains, immenses, doivent être satisfaits grâce à des ressources propres. L’Afrique, qui compte parmi les premiers fournisseurs d’énergies fossiles du monde, peut aussi conquérir une place majeure dans les énergies renouvelables, et trouver avec l’Europe un nouveau terrain de coopération, stratégique pour notre avenir à tous. François Hollande a ainsi décidé de faire des énergies renouvelables au Sud une des priorités de l’Agence Française de Développement.

Notre dernier défi, et sans doute le plus vital, c’est celui du combat contre les inégalités, pour une redistribution des richesses et une justice sociale globale.

Le défi enfin d’une justice sociale globale

La croissance mondiale des dernières décennies est indéniable. Mais la mondialisation a creusé les inégalités : les pays en développement, même de nombreux pays émergents, restent confrontés à l’extrême pauvreté et à des inégalités insupportables au sein de chaque société.

Pour nous, Socialistes, français, européens et africains, il ne s’agit pas de nier la mondialisation, mais d’œuvrer pour une mondialisation plus équitable et plus juste. C’est aussi en réduisant les déséquilibres économiques et les inégalités que nous réduirons l’instabilité qui frappe notre monde.

Il faut marteler que la croissance doit être mise au service des populations : nous refusons qu’elle soit accaparée par une minorité de puissants. La croissance doit être un facteur de justice sociale et de progrès humain.

Les accès des Africains à la nourriture, à l’éducation et à la santé, à l’eau potable, au logement, à l’éducation et à un travail décent, en particulier pour les jeunes et pour les femmes, sont des droits fondamentaux.

Nous n’aurons pas de repos tant qu’un milliard de personnes dans le monde ne mangeront pas à leur faim, tant que 100 millions d’enfants ne seront pas scolarisés, tant que 91% des 3,4 millions d’enfants vivant avec le VIH seront en Afrique subsaharienne !

C’est pourquoi nous devons nous battre, et les Socialistes français se battront, pour qu’une part substantielle des recettes de la taxe sur les transactions financières serve à financer deux urgences : la lutte contre les pandémies, et celle contre les effets du changement climatique. En France, cette taxe met actuellement 160 millions d’euros à disposition de la coopération. Notre pays militera pour qu’il en soit de même pour les 11 pays européens qui ont mis en place cette taxe sur les flux financiers.

Face aux grands défis, nous devons multiplier les engagements réciproques, tisser une solidarité active pour le progrès humain, environnemental, démocratique. Mais aujourd’hui, une distance demeure entre nos deux continents, entre nos peuples, et cette distance est un frein.

Pour révolutionner nos relations, devenir ensemble un pôle majeur d’innovation et de créativité, nous devons prendre conscience que l’Afrique nouvelle est debout !

Oui, l’Afrique nouvelle est debout.

L’immense tragédie de l’incompréhension entre le Nord et le Sud, c’est le manque d’un regard capable de saisir les nuances. Pendant plus de 50 ans, chacun n’a été capable de regarder l’autre qu’à travers le prisme de sa propre culture. Comme disait Césaire, notre civilisation a eu « l’instinctive tendance à abuser de son prestige pour faire le vide autour d’elle. »

Pourtant l’Afrique, ce n’est pas seulement l’Afrique ancestrale, berceau de l’humanité.

L’Afrique, c’est le berceau de notre avenir à tous. C’est le continent le plus jeune et le plus dynamique du monde, dont les ressources, naturelles, humaines, sont immenses.

L’Afrique a réintégré la dynamique de croissance et développement du reste de la planète depuis une décennie au moins. Les investissements internationaux s’accélèrent. Le revenu par habitant croît, en même temps que le poids démographique du continent, cela change sa place dans le monde, elle en devient un acteur majeur.

Et si l’Afrique est confrontée à de grands défis, à la pauvreté, à des crises, je n’aime pas la vision fausse d’une Afrique condamnée à un avenir sombre. Je n’accepte pas non plus l’idée d’un déclin inéluctable de nos deux continents : il y a, aujourd’hui plus que jamais, une solidarité de prospérité à bâtir entre l’Europe et l’Afrique.

L’Afrique c’est aussi l’innovation scientifique, intellectuelle, artistique enfin. Je pense, parmi tant d’autres, à Wole Soyinka, prix Nobel de littérature, je pense aux chefs d’œuvre connus dans le monde entier d’Ousmane Sow, aux films de Souleymane Sissé. L’Afrique, c’est une société civile dont la complexité, l’inventivité et la culture sont d’une richesse inouïe, trop méconnue en Europe. Je crois profondément, et pour reprendre les mots de Souleymane Sissé, que « L’Afrique est riche d’un savoir qui peut faire progresser l’humanité ».

Si nous voulons le progrès de nos continents, les échanges sont vitaux et ils doivent s’intensifier : économiques, mais aussi culturels et humains. Je pense aux jeunes, aux étudiants, aux chercheurs, aux artistes, aux entrepreneurs, dont la créativité a besoin de mobilité, de rencontre, d’échange. François Hollande a décidé l’abrogation de la circulaire qui empêchait ces échanges et s’est engagé à faciliter la délivrance des visas pour favoriser des échanges féconds entre nos deux continents.

Chers amis,

Nous nous rencontrons dans un moment historique pour le Mali, mais aussi pour toute la région. Notre tâche est immense.

La crise violente que le monde traverse n’est pas une crise de conjoncture mais une crise de système, celle du système du capitalisme financier international. Nous devons travailler à en faire sortir une renaissance. Avec les progressistes du monde entier, nous avons un chemin à tracer qui concilie la démocratie, la croissance économique, la préservation de notre environnement et le progrès social de tous les pays, pour bâtir ensemble, sur les décombres de l’ancien, un monde meilleur.

J’ai un dernier message pour vous, ce message c’est une très belle phrase de Mandela : « En faisant scintiller notre lumière, nous offrons aux autres la possibilité d’en faire autant ».

C’est le sens de mon combat, c’est le sens du combat des Socialistes, et c’est le combat que nous voulons pour l’Europe et l’Afrique.

Vive le Niger, vive l’Europe et l’Afrique unies, vive le socialisme international !


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